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Are we in 1936 or 1812?

Publishing date
18 July 2010

Bruegel Director Jean Pisani-Ferry analysis the current economic climate through a historical lens. He draws parallels to the year 1937 when the tough fiscal policy of the US federal government sharply cut GDP growth and resulted in a dramatic increase in unemployment. The current debt crisis also has echoes from past from the chain of sovereign defaults between the Napoleonic wars in the eighteenth and nineteenth centuries. The author explains why the the planned fiscal tightening in 2011 is financially inevitable, but economically risky. 

Dans la controverse entre partisans de la relance et avocats de la rigueur qui a fait rage ce printemps, il a souvent été fait référence à 1937. C’est en effet cette année-là, quatre ans après le début du New Deal de Roosevelt, que la politique budgétaire américaine a brutalement pris un tour restrictif, avec la mise en place de cotisations retraite et l’arrêt d’un transfert aux anciens combattants. Selon les calculs de Paul van den Noord, trois points de PIB ont ainsi été retirés par le gouvernement fédéral. Dès 1937, la croissance a ralenti, passant de 13% à 6%, puis le PIB a chuté de 4,5% en 1938, faisant remonter le chômage de 14% à près de 20%. Si la dépression des années 1930-1932 a surtout été due aux erreurs de politique monétaire, la rechute de 1938 est donc en partie au moins attribuable à une erreur de politique budgétaire.
La mémoire de la Grande Dépression hante depuis trois ans tous les débats de politique économique. Au plus fort de la crise bancaire de 2007-2008, ou lorsque production industrielle et échanges se sont effondrés en 2008-2009, l’histoire, plus que la théorie, a aidé les dirigeants des grands pays à prendre des décisions convergentes. Ils ont consciemment fait le contraire de leurs prédécesseurs et s’en sont bien trouvés. Désormais, cependant, ce n’est plus aux années trente qu’ils se réfèrent, mais aux crises de la dette qui ont émaillé les XVIIIème et XIXème siècles – notamment la chaine des défauts souverains consécutive aux guerres napoléoniennes. La crainte de ne pas pouvoir se financer le dispute à la peur de la récession.
Est-ce justifié ? Economiquement, les économies avancées ne sont certainement pas en état de supporter un resserrement budgétaire brutal. Leurs rythmes de croissance actuels – 1% en Europe, 2% au Japon, 3% aux Etats-Unis – ne suffisent pas à regagner le terrain perdu pendant la récession et surtout, l’économie privée reste convalescente : banques, entreprises et, souvent, ménages, continuent de privilégier le désendettement sur la dépense. Les banques y sont d’ailleurs encouragées par le durcissement des ratios de capital. Quant à la politique monétaire, elle a atteint ses limites techniques dans les pays anglo-saxons où les taux sont à zéro et les bilans des banques centrales gorgés de titres publics, et ses limites politiques dans la zone euro où les audaces de la BCE sont regardées avec suspicion en Allemagne.
Il est tout aussi vrai, cependant, que les Etats ne pouvaient pas se permettre de continuer à jouer les Curiace face aux marchés obligataires. Pour certains pays, six mois d’atermoiements face à la crise grecque ont transformé un risque virtuel de perte de l’accès au marché en scenario bien réel. Du coup, il ne suffit plus de prendre des mesures à effet retardé, comme des réformes des retraites, et d’annoncer une stratégie de consolidation : il faut tailler dans le déficit ici et maintenant. C’est ce qui explique les virages de ces derniers mois en Europe du Sud, au Royaume-Uni, et, bon gré-mal gré, en France. Ces réorientations s’accompagnent inévitablement de sur-réactions, comme en Espagne où l’effort principal du gouvernement Zapatero a porté sur le déficit budgétaire alors que le premier problème du pays est de réinventer une stratégie de croissance.
Au total, le resserrement budgétaire programmé pour 2011 – un point un quart de PIB pour les pays avancés du G20, selon le FMI – est financièrement inévitable, mais économiquement risqué. Ironiquement, c’est l’Allemagne de Mme Merkel qui semble l’avoir le mieux compris : en dépit de ses professions répétées de vertu, ou peut-être plutôt à cause d’elles, l’ajustement prévu n’est que d’un demi-point de PIB. Un tour de vis qui sera sans doute moins prononcé qu’aux Etats-Unis, où les Etats fédérés coupent dans les dépenses et où, malgré les professions de foi keynésiennes de Barack Obama, le plan de relance est sur le point de se terminer.
La voie entre 1937 et 1812 a donc tout du chemin de crête. Les prochains mois diront si nous l'avons trouvée.

A version of this op-ed was published by Le Monde.

About the authors

  • Jean Pisani-Ferry

    Jean Pisani-Ferry is a Senior Fellow at Bruegel, the European think tank, and a Non-Resident Senior Fellow at the Peterson Institute (Washington DC). He is also a professor of economics with Sciences Po (Paris).

    He sits on the supervisory board of the French Caisse des Dépôts and serves as non-executive chair of I4CE, the French institute for climate economics.

    Pisani-Ferry served from 2013 to 2016 as Commissioner-General of France Stratégie, the ideas lab of the French government. In 2017, he contributed to Emmanuel Macron’s presidential bid as the Director of programme and ideas of his campaign. He was from 2005 to 2013 the Founding Director of Bruegel, the Brussels-based economic think tank that he had contributed to create. Beforehand, he was Executive President of the French PM’s Council of Economic Analysis (2001-2002), Senior Economic Adviser to the French Minister of Finance (1997-2000), and Director of CEPII, the French institute for international economics (1992-1997).

    Pisani-Ferry has taught at University Paris-Dauphine, École Polytechnique, École Centrale and the Free University of Brussels. His publications include numerous books and articles on economic policy and European policy issues. He has also been an active contributor to public debates with regular columns in Le Monde and for Project Syndicate.

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